Interview de Philippe Almeida

25 septembre 2024
Artizans

Philippe Almeida, aka Physs, vous êtes performer, chorégraphe et avez créé Mouvmatik en 2013, donnant naissance au projet Artizans, la danse des légendes du hip-hop. Vous répondez aujourd’hui à nos questions.

Fonds de dotation Francis Kurkdjian : Comment l’idée de réunir 7 danseurs pour une pièce chorégraphique vous est-elle venue ?

Philippe Almeida : « Elle est venue très simplement, dans le sens où les 7 danseurs se connaissent déjà depuis plus d'une vingtaine d'années. Nous nous sommes rencontrés à travers différentes situations, que ce soit dans le club, en battles, ou sur des projets et groupes qu'on a eus en commun. Cela faisait un certain moment qu'on avait envie de se rassembler pour travailler sur un objet commun. D’abord tout simplement se rassembler, puis travailler ensemble. On n'avait pas trouvé la façon la plus sûre ou la plus certaine de travailler ensemble, mais il y avait une envie de se rassembler, déjà pour commencer. Puis il y a des choses de la vie qui nous ont rappelé l'urgence de se rassembler. L'idée est venue de Massangila Lumengo (Yugson Hawks), chorégraphe, pédagogue, artiste ; de pouvoir se rassembler, discuter. »

FdD Francis Kurkdjian : Comment avez-vous choisi les 7 danseurs et les 2 DJ ? Quels critères ont guidé le casting ?

P. A. : Il n'y a pas eu de casting dans le sens où, on se connaissait déjà. Nous sommes tous détenteurs d'une histoire, d'une expérience et d'un savoir-faire. Parmi nous, il y a des artistes, des organisateurs, des compétiteurs, des chorégraphes, et aussi des passionnés de musique. Deux d'entre eux, Didier Firmin et Hugues Bongo, ont même fait de leur passion une activité principale en parallèle de la danse : ils sont DJ. Donc le casting s’est fait naturellement. Ces passions existaient déjà chez ces danseurs. En réunissant les 7, on réunissait aussi un ensemble de compétences. C'est également une histoire de génération et d'histoire commune qui a accéléré le processus d'être ensemble. Après avoir fait énormément de choses en une vingtaine d'années, surtout passé 40 ans, il s'agit de voir comment on continue d'exister et de faire résonner notre travail de manière plus franche et originale. Cela signifie rassembler des histoires géographiques bien précises, avec une cartographie de l'Île-de-France. Chacun a une appartenance, voire un style, et cette photo est super importante car elle témoigne d'une appartenance à un territoire. Se rassembler tous ensemble, c'est aussi lier tous ces territoires. Nous avons tous été les uns chez les autres, pour danser, se défier, s'entraîner ou organiser un événement. Voilà pourquoi c'était important pour nous.

FdD Francis Kurkdjian : La période de résidence se déroule sur 5 mois. En quoi un temps comme celui-ci est-il précieux ?

P.A : « Elle se déroule sur 5 mois pour plusieurs raisons. D'abord, cela correspond à un calendrier de subventions et aussi à un agenda très chargé des artistes. Nous l'avons étalé sur 5 mois pour nous retrouver sur des périodes bien précises où les agendas s'accordent. Ce n'était pas facile de se voir tous ensemble pendant, par exemple, deux semaines d'affilée, car nous avons déjà des emplois du temps bien remplis. Malgré l'envie, il fallait qu'on puisse s'organiser. Cette période permet de diluer le travail de manière plus tranquille, sans se précipiter. Même si à partir de fin août et octobre, les périodes entre les résidences se raccourcissent, elles deviennent plus fréquentes et plus intenses. Nous avons déjà commencé depuis un an et demi, avec un travail non officiel pour s'apprivoiser, apprendre à se connaître sous la pression du travail ou pendant une résidence d'une semaine. Ce processus prend du temps, et nous avons réussi à le mettre en place sur un an. Pour les 4 prochains mois, nous serons ensemble beaucoup plus fréquemment, de manière plus intense. Nous allons travailler en dehors de l'Île-de-France, à Annecy, à Rennes, et nous serons également à Cergy et Paris pour préparer le format final. C'est vraiment un temps précieux pour affiner notre travail et nous rapprocher davantage. »

FdD Francis Kurkdjian : Les représentations feront-elles l’objet d’une tournée en île-de-France ou s’étendront-elles à tout le pays et au-delà des frontières ?


P.A : « Oui, les représentations s'étendront bien au-delà des frontières. Cela commencera par l'Île-de-France et la France et nous avons déjà des demandes, notamment à l'étranger, grâce à notre notoriété internationale. Le projet est évidemment de tourner en France et d'associer à ce format de spectacle des actions artistiques et culturelles. Cela inclut des méthodes de groupe ou des événements bien ancrés sur le territoire, que nous pourrons associer à notre travail en Île-de-France, en France et à l'international.

Nous participerons également à des gros festivals à l'international. L'idée est de roder le spectacle en Île-de-France et d'avoir un maximum de dates. Le spectacle dure environ 60 minutes, avec un pré-show comprenant de l'animation musicale par des DJ. Nous proposons une formule qui sort de l'ordinaire, notamment avec une fin de show différente de ce qu'on a l'habitude de voir. Tout cela fait l'objet de réflexions et de recherches pour aboutir à un résultat satisfaisant. »


FdD Francis Kurkdjian : Sous quel format aura lieu l’exposition en lien avec la diffusion de la pièce ?


P.A : « Nous envisageons plusieurs formats pour cette exposition. Elle prendra la forme d'un documentaire, peut-être un court métrage sur Artizan, comprenant plusieurs épisodes. Ce ne sera pas seulement sur la création, mais aussi sur notre vision du futur, la recherche et le patrimoine, grâce aux chercheurs présents dans l'équipe. Nous aurons également une exposition de dessins et des cartels descriptifs sur le mouvement, initiée par Yougson, qui est artiste graphique et graphiste. Cette exposition comprendra des photos et des dessins pour accompagner le documentaire. En outre, nous prévoyons la création d'un livret, un autre projet en cours, qui détaillera ce qu'est un artisan du mouvement au sein de la communauté hip-hop. L'exposition inclura donc des dessins, des podcasts et ce livret pour offrir une perspective complète et enrichie de notre travail. »


FdD Francis Kurkdjian : En quoi le soutien du Fonds de dotation Francis Kurkdjian est précieux pour ce projet ?


P.A : « Votre soutien est crucial car il nous permet d'aller au-delà de nos ambitions initiales. Sans un tel accompagnement financier, il serait difficile de concrétiser ce projet à grande échelle. Nous sommes déjà soutenus par des financements publics, comme ceux de la Caisse des dépôts ou la DRAC Île-de-France. Avoir le soutien de fondations, comme la vôtre, est une preuve de la légitimité de notre projet et du désir d'accompagner quelque chose de plus grand que nous. Ce n'est pas simplement le désir de monter sur scène, c'est aussi être les témoins d'une époque et raconter cette époque. Ce projet est conçu pour laisser une trace durable. Le soutien de mécènes et de fondations comme la vôtre est donc indispensable. C'est un travail d'accompagnement, mais aussi de reconnaissance de notre travail et de notre vision à travers cette dotation. »

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