Interview de Guillaume Siard
Rencontre avec Guillaume Siard, directeur de la pédagogie au Ballet Preljocaj Junior. Fort d’une expérience de plus de deux décennies au sein du Ballet Preljocaj, il nous présente le fonctionnement de cette cellule dédiée à l’insertion professionnelle des jeunes danseurs, les spécificités du programme, et son partenariat avec le Fonds de Dotation Francis Kurkdjian.
Fonds de dotation Francis Kurkdjian : "Bonjour Guillaume. Pour commencer, pourriez-vous vous présenter et nous parler de la mission principale du Ballet Preljocaj Junior ? En quoi ce programme se distingue-t-il des autres dispositifs de professionnalisation en danse ?"
Guillaume Siard : "Bonjour. Je m'appelle Guillaume Siard, je suis directeur de la pédagogie au Ballet Preljocaj. Je travaille avec Angelin Preljocaj depuis septembre 2001, initialement en tant que danseur professionnel. En parallèle de mon activité de danseur, je donnais des cours et des masterclasses, ce qui m’a amené à devenir assistant du responsable pédagogique du ballet en 2006, lors de l’ouverture du Pavillon Noir.
En 2015, avec l'équipe du Ballet et l'aide d'Angelin Preljocaj, nous avons fondé le Ballet Preljocaj Junior, une structure d'insertion professionnelle. Ce programme offre aux jeunes danseurs une transition entre les écoles supérieures et la vie professionnelle. Bien qu’il existe des jeunes ballets dans certaines écoles, nous avons voulu créer une passerelle directe entre la compagnie et une activité autonome pour ces jeunes danseurs. Les danseurs participent à des créations avec des chorégraphes invités et reprennent des pièces spécifiques que la compagnie elle-même ne danse pas. Cela permet aux danseurs d’évoluer vers une carrière professionnelle dans une dynamique à la fois personnalisée et immersive."
FdD Francis Kurkdjian : "Comment le soutien du Fonds de Dotation Francis Kurkdjian contribue-t-il à ce programme d’insertion pour les jeunes danseurs ?"
G.S. : "Le soutien du Fonds de Dotation Francis Kurkdjian est essentiel pour nous. Il nous permet de développer des activités comme la création ou la reprise de répertoire. C’est un soutien précieux, surtout dans un contexte où les budgets peuvent évoluer d’une année à l’autre. Il est également important pour les jeunes danseurs de voir que des acteurs privés, comme les fondations, s’impliquent dans leur parcours professionnel, et pas seulement les organisations gouvernementales. Cela leur montre que l’insertion professionnelle dans le domaine artistique est un sujet qui intéresse une diversité de partenaires."
FdD Francis Kurkdjian : "Quelles sont les compétences fondamentales que les jeunes danseurs acquièrent dans ce programme, et comment cela impacte-t-il leur future carrière ?"
G.S. : "La compétence fondamentale que nous développons chez les jeunes danseurs est leur plasticité mentale. Techniquement, ils ont déjà un très bon niveau lorsqu'ils rejoignent le Ballet Preljocaj Junior, puisqu'ils sont sélectionnés sur audition. Ce qui fait la différence, c’est leur capacité à échanger avec les autres, à recevoir et à s’adapter au monde qui les entoure. Un danseur doit être capable de faire évoluer un chorégraphe en lui proposant des idées et des interprétations. Nous recherchons des interprètes dynamiques, jeunes, mais déjà matures."
FdD Francis Kurkdjian : "Pouvez-vous nous parler des répétitions du travail de création qui ont eu lieu à l’Opéra National d’Arménie entre le 30 septembre et le 15 octobre ?"
G.S. : "Nous sommes arrivés à Erevan le 1er octobre et avons directement commencé à travailler avec les danseurs de l’Opéra d’Erevan, aussi bien de la compagnie classique que de la troupe de danse traditionnelle. Ce projet de coopération artistique, autour de l’artiste Sergei Parajanov, a été très riche, à la fois intellectuellement et physiquement. Nous avons notamment visité le musée de Parajanov, qui est une figure emblématique pour les Arméniens. Cette rencontre artistique et humaine a été un véritable échange culturel, aboutissant à une première représentation le 14 octobre."
FdD Francis Kurkdjian : "Comment ces moments de répétition contribuent-ils à la cohésion du groupe et à l’affinement des compétences des danseurs ?"
G.S. : "Ces répétitions ont été cruciales pour la cohésion du groupe. Il y a beaucoup de travail en groupe, à l’unisson, ou avec des contacts physiques qui obligent les danseurs à se connaître, à sentir la respiration de l’autre. Cette année, le groupe s'est rapidement soudé. J’ai même été surpris de constater que ces jeunes sont relativement déconnectés des réseaux sociaux, ce qui favorise une connexion humaine plus forte entre eux. Ils communiquent beaucoup entre eux, avec de l’humour et des affinités naturelles, comme à l’époque où les réseaux sociaux n’existaient pas encore."
FdD Francis Kurkdjian : "Quels sont les défis auxquels les jeunes danseurs doivent faire face à leur sortie de formation ?"
G.S. : "Le défi principal commence même avant la fin de leur formation. Dès février-mars, ils passent des auditions pour intégrer des compagnies. Ils sont confrontés aux sélections des chorégraphes, aux contraintes économiques des différents pays, et cela peut être vertigineux pour eux. Ils doivent gérer l’incertitude, les attentes parfois pressantes de leurs parents, tout en continuant à se concentrer sur leur travail. Nous les accompagnons dans ce processus, certains d'entre eux intègrent même la compagnie principale du Ballet Preljocaj s'il y a une envie partagée."
FdD Francis Kurkdjian : "Quelle évolution observez-vous chez les jeunes danseurs entre leur arrivée en formation et leur sortie comme jeunes professionnels ?"
G.S. : "Ils gagnent en maturité, comme nous tous. Au fil de l’année, ils deviennent plus posés, plus ouverts, et moins inquiets. Ils apprennent à passer d’une attitude scolaire à celle d’un professionnel. Leur rapport aux chorégraphes évolue : ils ne répondent plus simplement aux attentes comme des élèves, mais commencent à interagir en tant que danseurs professionnels. C’est un processus naturel et nécessaire, et nous avons appris à reconnaître et à accompagner cette transition."